Pour ceux que ça intéresse, je vais résumer ici ce que j’ai appris sur le renard polaire et ce que je racontais aux visiteurs de l’Arctic Fox Center.
Le renard polaire
Le renard polaire est bien plus petit que le renard roux que l’on trouve en Europe. Il a une taille comparable à un chat. Les Islandais disent d’ailleurs que lorsqu’on pense voir un chat, il s’agit plutôt probablement d’un renard polaire. Le renard polaire existe dans différentes couleurs :
– le renard blanc, qui est le plus connu, est blanc durant l’hiver et gris l’été,
– le renard « bleu » est brun et le reste toute l’année.
Il s’agit de la même espèce, simplement d’un gène qui diffère comme pour la couleur de nos yeux. Les deux perdent leur pelage d’hiver au printemps. La couleur « bleue » est récessif, ce qui explique que dans le monde, il y a environ 99% de renards blancs. Par contre en Islande, et particulièrement dans les Westfjords, on trouve principalement des renards bleus à 80%. Ceci pourrait s’expliquer par l’isolement de l’Islande. Durant l’âge de glace, l’Islande était raccordée au continent. Il y avait à cette période des renards polaires partout en Europe jusqu’en Italie. Lorsque la glace a fondu, des renards ont été coincés en Islande sans leur nourriture habituelle : les lemmings. Le renard polaire est le seul mammifère natif en Islande. Pour survivre, ils ont dû adapter leur régime alimentaire et devenir opportunistes. En Islande, les renards polaires se nourrissent d’œufs, d’oiseaux, d’insectes, de baies dans les montagnes, de carcasses, de poissons sur la côte. Ils sont capables de faire des réserves qu’ils cachent dans un trou pour plus tard. Il semblerait que ce changement de régime alimentaire ait favorisé la couleur bleue car le renard polaire en Islande est plutôt côtier, là où il n’y a pas de neige même en hiver à cause de la mer. Le renard n’a plus besoin d’être blanc en hiver pour chasser les lemmings dans la neige mais gris/brun pour passer inaperçu dans les rochers.
Une fois adulte, le renard polaire cherche un partenaire avec qui il restera toute sa vie. Au printemps, le couple se retrouve dans la même tanière pour élever leurs petits. Les portées se composent de 6 à 8 petits. Cela semble beaucoup mais en réalité c’est moins que dans le reste du monde. Au canada, les portées peuvent aller jusqu’à 15 petits. Les conditions étant plus difficiles avec des hivers très rudes et une nourriture limitée, la mortalité des jeunes est très élevée, il leur faut donc faire beaucoup de petits. En Islande, les hivers sont plutôt doux et les renards trouvent toujours de quoi manger vu qu’ils sont devenus opportunistes. Les petits ont plus de chance de survis donc ils sont moins nombreux. La mère allaite ses petits les 3 premières semaines. Ensuite, les parents vont se relayer pour apporter de la nourriture aux jeunes. Au bout de 3 mois, les petits auront pratiquement atteint une taille adulte et ils seront chassés de la tanière par leur parents. Ils devront alors se débrouiller seuls. Il ne reste plus qu’un mois pour qu’ils se préparent à l’hiver.
Les différentes couleurs des renards polaires
La recherche
L’Arctic Fox Center n’est pas qu’un simple musée qui accueille du public, c’est surtout et principalement un centre de recherche sur le renard polaire. Tout a commencé avec Pall Hersteinson. Etudiant à Reykjavik dans les années 80, il a été le premier à s’intéresser au renard polaire. Il a souhaité faire sa thèse sur ce sujet. Pour cela, il s’est rendu dans la partie la plus isolée des fjords de l’ouest, Hornstrandir, pour les étudier. C’est aujourd’hui une réserve où les renards sont protégés. A l’époque, ses études consistaient principalement à marquer les renards avec des plaques colorées sur les oreilles. Ainsi, il pouvait reconnaitre les individus individuellement et étudier leurs comportements sociaux. Il équipait également certains renards de colliers émetteurs afin de suivre leurs déplacements. Aujourd’hui, il est considéré comme un pionnier dans ce domaine et toutes les études menées sur le renard polaire dans le monde se réfèrent à son travail. Il a créé l’Arctic Fox Center en 2010 pour transmettre au grand public sa passion pour le renard polaire. Il est décédé un an plus tard.
L’Arctic Fox Center continue ses recherches. Tous les étés, 3 missions sont organisées pour aller étudier les renards à Hornstrandir. L’hiver, le centre récolte de nombreuses données sur les cadavres de renards récupérés chez les chasseurs. Il est ainsi possible d’avoir des tailles et poids moyens, savoirs si les renards sont porteurs de maladies, connaitre le sexe ratio, l’âge, le régime alimentaire. Lorsqu’il s’agit d’une femelle, on peut même savoir si elle a déjà eu des petits et combien. Le centre récolte ainsi des données depuis une trentaine d’années, ce qui lui donne une bonne connaissance de la population de renards polaires en Islande. Nous pouvons estimer la population à environ 12 000 individus et il semblerait qu’elle soit en augmentation malgré la chasse.
La chasse
Le renard polaire a toujours été chassé en Islande. Les premiers hommes à s’être installés en Islande étaient les Vikings. Pour eux, la peau de renard était une monnaie officielle. En arrivant en Islande, il on vu de l’argent courir partout dans les montagnes. A l’époque, ils n’avaient pas d’armes à feu donc ils construisaient des pièges en pierre pour les attraper. Ensuite, lorsque les armes sont arrivées, le métier de chasseur de renard s’est créé. On chassait le renard pour sa fourrure. Dorénavant, le renard polaire n’est plus chassé pour sa fourrure. Il n’y a plus d’économie liée à la fourrure de renard. Les gens en Islande sont devenus des fermiers qui élèvent des moutons et des canards. Le problème c’est que le renard est vu comme un nuisible car il attaque les canards et mange les œufs des fermiers. Il semblerait même qu’il s’attaque aux jeunes agneaux. La cohabitation est difficile car les fermiers refusent de parquer leurs animaux qui sont en liberté dans les montagnes. Quoi qu’il en soit, il fut un temps où le gouvernement d’Islande souhaitait éradiquer le renard polaire et offrait une récompense à quiconque ramenait un cadavre de renard à la mairie. Aujourd’hui, on ne parle plus d’éradication mais le gouvernement continue à financer la chasse au renard sans établir de quotas. Il n’y a que dans la réserve d’Hornstrandir que le renard polaire est protégé. Malgré tout, le centre n’est pas anti chasse et les scientifiques ne sont pas inquiets car la population de renard polaire se porte bien. Une étude est actuellement menée pour déterminer s’il ne serait pas plus intéressant financièrement pour l’état de dédommager les fermiers pour leurs pertes que de financer la chasse. Mais c’est un travail de longue haleine que de changer les mentalités et les habitudes et les traditions.
A mon sens, le but du centre est avant tout de faire connaitre cet animal au public pour changer sa mauvaise image de nuisible. Le renard polaire est le seul mammifère natif d’Islande, il a toujours été là et il fait partie intégrante de ce qu’est l’Islande. Les gens viennent du monde entier pour voir sa nature et sa faune incroyable. C’est une chance inouïe que de pouvoir les observer et les étudier si facilement ici alors que dans le reste du monde ils sont en déclins et inaccessibles.
Peaux de renards
L’argent des entrées au musée financent directement la recherche sur les renards polaires donc si vous passez à Sudavik, n’hésitez pas à faire un tour par l’Arctic Fox Center !
Je vous invite à visiter le site de l’Arctic Fox Center et le blog des bénévoles.
Retrouvez également mes autres missions d’écovolontariat sur www.1mois1espece.fr.